Par Rédaction Bordeaux
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Rue Magendie, à Bordeaux, près de l’église Sainte-Eulalie, la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles) siège autour d’un cloître chargé d’histoire. Bâti en 1501 sous l’impulsion de Jeanne de Valois, dite Jeanne de France, fille de Louis XI, il est l’un des mieux conservés de Nouvelle-Aquitaine et le seul de Bordeaux bâti sous l’ancien régime encore complet. Religieuses, prostituées, poudre à canon et canelés, les soubresaults de l’histoire confèrent à ce monument classé bon nombre d’histoires à raconter.
En 1520, Jacquette de Lansac, pieuse maîtresse du roi François 1er, rattache ce couvant aux Annonciades, un ordre religieux monastique féminin auquel cette native de Gironde voua sa vie. « Les veuves et les jeunes filles se consacraient à cet ordre », nous apprend Agathe Corre, guide conférencière à Bordeaux.
Monuments historiques
La construction de la chapelle entreprise en 1520 par l’architecte poitevin Mathurin Galopin, est achevée par Guillaume Médion qui se charge notamment de réaliser le chœur de l’édifice, agrémenté par la suite de vitraux signés d’un maître du genre, le peintre verrier Henri Feur.
L’endroit conjugue les styles gothiques, avec ses larges voûtes en d’ogive, et le style Renaissance, caractérisé par une sculpture au attribué « maître de Biron » et une arcade, balcon monumental, qui scinde l’espace et permet à l’époque aux recluses de suivre la messe sans se mélanger au reste des fidèles.
Derrière la chapelle, le cloître déploie ses charmes. Lieu de passage et de méditation au cœur de ce labyrinthe architectural, c’est un vestige du couvant d’origine. Ses colonnes habillées au 16ème siècle font là encore cohabiter différents styles. L’esprit Renaissance des unes rappelle la Grèce antique, les créatures fabuleuses et les motifs végétaux ornant les autres se réfèrent à l’art médiéval.
« En 1974, la chapelle, le cloître, ses galeries et le mur d’enceinte du couvent, ancienne fortification du Bordeaux médiéval ont reçu la protection ou l’inscription au titre des monuments historiques », explique François-Xavier Maillart, ce qui reconnaît à ces constructions de degrés de protection différents, la chapelle et la galerie nord étant les mieux loties.
Scandale chez les religieuses
Jusqu’aux années 1970, l’endroit a toujours servi aux femmes. D’abord aux sœurs qui y vivaient en communauté, jusqu’au jour où « un scandale a touché les religieuses », explique François-Xavier Maillart, chargé de la protection des monuments historiques.
Le flou demeure sur le caractère précis du scandale, mais à l’époque, « les affaires mœurs étaient courantes chez les religieuses »glissez notre guide.
L’affaire n’aide pas, et le couvent ferme ses portes peu avant la Révolution avant de devenir une salpêtrière où l’on produit de la poudre à canon, selon Agathe Corre. « Le monastère servit sans doute de stock de munitions », détaille le guide.
Des femmes marginalisées
En 1808, nouveau départ. Sous la houlette de Marie-Thérèse de Lamourous, le couvent des Annonciades redevient un lieu de vie, une « maison de la miséricorde » destinée à l’accueil « de femmes marginalisées », détaille François-Xavier Maillart. Les lieux ont pu accueillir jusqu’à 300 pensionnaires.
À cette époque, le quartier en marge de la ville avait mauvaise réputation. Le couvent devient alors le lieu de refuge des filles « de joie » ou « de mauvaises vies » qui souhaitaient se repentir, raconte Agathe Corre.
Ce refuge a recueillir les âmes écorchées jusqu’en 1971. Son utilité ayant décru au fil des ans, l’Etat le rachète en 1971 pour y installer des dépôts d’archives et sièges de diverses juridictions du ministère de la Justice.
Entre temps, Marie-Thérèse de Lamourous est morte. Inhumée dans la chapelle du couvent, sa dépouille a déménagé avec la maison de la miséricordeau Pian Médoc.
Et si les canelés étaient nés ici ?
« Il se dit que les femmes du couvent sont les créatrices des canelés, qu’elles récupéraient du jaune d’œufs dans les propriétés voisines et qui demandaient aux marins du rhum et de la vanille », explique Agathe Corre, précisant qu’il ne s’agit là que de légendes urbaines.
François Xavier Maillart confirme que rien ne prouve que la fameuse spécialité bordelaise serait née ici. La pâtisserie était effectivement une activité au sein du couvent. Un texte du 19ème évoquant une recette de canelas, autre genre de gourmandise, pourrait, selon lui, être à l’origine de la confusion.
Synthèse entre patrimoine et modernité
Les années 90 auront été celles de la grande réhabilitation pour le couvent, réaffecté au ministère de la Culture. « Le ministère mène alors une politique immobilière volontariste », explique Vincent Cassagnaud, architecte des bâtiments de France et chef de l’Unité Départementale de l’Architecture et du Patrimoine de la Gironde.
À cette occasion, l’ancienne chapelle, le cloître et le portail monumental du 54 rue Magendie ont été restaurés sous la houlette du cabinet d’architectes Brochet-Lajus-Pueyo. Le trio s’est efforcé de « faire la synthèse entre le patrimoine et la nécessaire adaptation pour l’installation d’une administration »la DRAC, explique Vincent Cassagnaud.
Chaque recoin du site fourmille d’exemples. Le verre et l’acier présentent une certaine modernité tout en éliminé passer la lumière sur le gothique, la renaissance et le médiéval. L’endroit se visite lors des journées du patrimoine. Des concerts et autres représentations ont également lieu dans la chapelle désacralisée. Les chercheurs et universitaires peuvent se rendre au centre de documentation pour consulter des ouvrages. Ainsi se perpétue la tradition d’accueil du couvent des Annonciades.
À l’initiative de cet article, Maeva Cosme cosigne cet article avec Richard Monteil.
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